L’histoire

« 1955-1979 : notre pièce dure 24 ans en quelques heures. Il y a 50 tableaux. Tous sont fictifs. Tous auraient pu se passer en réalité. »*

La Première Époque de L’Histoire terrible… débute en 1955. Norodom Sihanouk est alors âgé de 32 ans, il règne sur le Cambodge depuis déjà 14 ans et décide d’abdiquer afin de se consacrer pleinement à la politique. L’année suivante, le Cambodge entre dans le mouvement des pays non-alignés, ce qui entraîne des relations diplomatiques tendues avec les deux blocs.
La Deuxième Époque débute au mois de novembre 1970, « Norodom Sihanouk est renversé par un coup d’état militaire qui l’oblige à s’exiler en Chine. Cinq ans plus tard, il se résout à faire alliance avec ses ennemis d’hier, les Khmers rouges emmenés par Pol Pot, alliés aux forces vietnamiennes bombardées par les Américains. Formées au maoïsme et à la guérilla révolutionnaire, ces forces révolutionnaires sont prêtes à tout pour prendre le pouvoir et se servant de Sihanouk comme d’un paravent (il est enfermé dans son palais, sa famille massacrée), elles engagent un gigantesque génocide dans la capitale de Phnom Penh. Les Vietnamiens, entre-temps désolidarisés des Khmers rouges, cherchent à leur tour à manipuler le roi du Cambodge, ce que les Chinois vont empêcher en obtenant à nouveau son exil pour Pékin. » **

*Hélène Cixous
**Bruno Tackels « Ariane Mnouchkine et le Théâtre du Soleil » éd. Les Solitaires Intempestifs, coll. Écrivains de plateau, vol. VI, septembre 2013.

La suite de notre histoire est dangereuse.
Elle est glissante et renversante.
Le monde bascule sous nos pieds. Les étoiles sont tombées du ciel.
Là-haut, les dieux ont joué.
Ils ont joué le Cambodge.
Certains ont gagné. Certains ont perdu et se désolent.
Nous sommes dans le camp de la désolation.
Les cœurs se sont terrés si loin des bouches,
Qu’on a peine à entendre ce que pensent les personnages.
C’est une époque de méfiance. Un soleil froid se lève au Nord.
Il n’y a plus de Royaume, plus de mémoire.
Il n’y a plus de toutes parts que du destin.
[…]
Maintenant le Prince est à Pékin
Et le Cambodge est tout perdu.
Il ne sait plus où il se trouve,
Ou à Pékin ou à Phnom Penh,
A l’intérieur ou en dehors de lui-même,
Ni qui il est, ni de quel bord,
Ni de quel genre, ni de comment il s’appelle,
Si c’est royaliste ou bien républicain,
Ni d’où vient le vent qui l’affole,
S’il vient de Chine ou d’Amérique.
Ni dans quelle langue étrangère
A quels dieux s’adresser, à quels maîtres.
A quels papas désormais désobéir.
Cette époque est déchiquetée, cette nation est mise en pièces.
Le théâtre a mission de les rassembler…

Hélène Cixous, Prologue, Deuxième Époque

ⓒ Michèle Laurent
Nov Srey Leab (Mme Samnol), Mao Sy (Yukanthor) et Pin Sreybo (Mme Lamné) ⓒ Michèle Laurent, 2013.

LIVRET DE LA PIÈCE

Vous pouvez également consulter la traduction de ce livret en espagnol, réalisée en 1986 lors de la tournée du Théâtre du Soleil à Madrid et Barcelone.
La historia terrible, pero inacabada, de Norodom Sihanuk, rey de Camboya.

Première Époque

Acte I

Scène I : Palais royal

C’est jour de fête au Cambodge. Une coutume ancestrale veut que le peuple présente ses doléances au Roi Sihanouk, qui tente d’y apporter des solutions équitables et populaires. Un paysan se plaint de la sécheresse ; un autre d’être chassé de ses terres par l’installation d’une raffinerie de sucre. Sihanouk, ordonnant que la raffinerie soit implantée ailleurs, provoque la colère de McClintock, l’ambassadeur des États-unis, et de son propre cousin Sirik Matak.

Les Paysans © Marie-Ange Barbet, 2013.

Khieu Samphan, un étudiant diplômé de l’Université de Paris, interpelle le Roi, exigeant de savoir pourquoi il est nécessaire d’être recommandé par le Palais pour travailler à l’université. Sihanouk se met en colère contre les étudiants marxistes et expulse Khieu Samphan, interrompant brusquement la cérémonie.
Saloth Sar, lui aussi étudiant communiste, reproche à Khieu Samphan son intervention. Khieu Samnol, la mère de Khieu Samphan, demeure perplexe face à l’attitude de son fils et le prie de rentrer avec elle à la maison.
Saloth Sar glorifie la haine, instrument clé pour la création d’un nouveau Cambodge

Scène II : Sanctuaire de la famille royale

Sihanouk se dirige vers le sanctuaire de ses ancêtres pour parler à Suramarit, son père défunt. Il l’interroge sur la situation délicate où se trouve son pays. Les élections libres approchent et une multitude de partis espèrent arriver au pouvoir. Sihanouk se plaint de l’attitude des Américains, et son père rejette toute la responsabilité sur les Vietnamiens, ennemis éternels des Khmers. Son père apprend avec stupéfaction le plan secret et subtil de Sihanouk : abdiquer, pour ensuite créer un parti lui permettant de gagner les élections et de rester au pouvoir.

Scène III : Palais royal

L’ambassadeur américain McClintock critique l’extravagance de Sihanouk, qui convoque tout le monde en pleine nuit demandant à tous d’assister à sa déclaration d’abdication.
Sirik Matak exprime sa haine de Sihanouk, qui vient d’abdiquer en faveur de sa mère.
Sihanouk défie son cousin et réaffirme la neutralité totale et exemplaire du Cambodge.
Sirik Matak voit que la monarchie décline et prie les dieux qu’ils fassent de lui le dernier roi du Cambodge, ne serait-ce que pour une seule journée.

Sirik Matak  ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
Sirik Matak ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Scène IV : Sanctuaire de la famille royale

Sihanouk raconte à son père sa victoire aux élections et lui dit qu’il a fait preuve de tolérance “démocratique” en nommant trois ministres communistes (dont Khieu Samphan comme ministre de l’économie). Suramarit lui conseille la prudence.

Scène V : Devant la maison de Khieu Samphan

Khieu Samnol se plaint des réunions de son fils avec ses camarades. Son fils a tant changé qu’elle le reconnaît à peine.
Saloth Sar et Khieu Samphan ne s’accordent plus sur la ligne politique à tenir face à la nouvelle situation. Hou Youn partage la position de Khieu Samphan. Saloth Sar décide de rejoindre la guérilla afin de soutenir la jeune révolution cambodgienne.
Khieu Samphan évoque son rêve : « …une société parfaite. On effacerait tout. »

Acte II

Scène I : Palais royal

Lors d’une réunion, Sihanouk reproche à l’ambassadeur américain ses desseins et son attitude humiliante envers le Cambodge.
La colère monte. Sihanouk déclare que l’aide militaire américaine est ridicule puisqu’elle ne lui permet pas de se défendre contre l’invasion systématique du Cambodge par les Vietnamiens, qui eux aussi reçoivent l’aide de Washington.
En conséquence, Sihanouk annonce solennellement la rupture des relations politiques et militaires avec les États-Unis afin de préserver la neutralité cambodgienne.
La Reine Kossomak exprime des doutes quant à la décision à son fils. Sihanouk lui répond : « Régnez, ma mère, et laissez-moi conduire. »
Sihanouk reproche à McClintock un article publié dans Newsweek. McClintock jure que les États-Unis le lui feront payer.

SIhanouk ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
SIhanouk ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Le général Lon Nol projette d’éloigner le Prince des communistes, profitant du malaise qui règne dans la province de Battambang.

Scène II : Jardins royaux, le fleuve

La nuit de son anniversaire, Sihanouk admire le ciel étoilé en compagnie de son ministre Penn Nouth. Sihanouk baptise les étoiles du nom d’êtres qu’il admire : Mozart, Nehru, de Gaulle.
Le général Lon Nol vient féliciter Sihanouk et en profite pour lui faire part des révoltes populaires dans la province de Battambang, où la foule a qualifié Sihanouk de traître et de voleur. Dix membres de la Garde royale ont été assassinés. Lon Nol suggère que la rébellion a été organisée par les communistes. Sihanouk ne comprend pas l’attitude de ses ministres communistes (« être à la fois ministre et rebelle… ! »), et ordonne à Lon Nol d’exécuter les responsables.
Penn Nouth, craignant une répression abusive de la part de Lon Nol, désapprouve la décision de Sihanouk.

Scène III : Phnom Penh

Hou Youn s’étonne auprès de Khieu Samphan que le Prince les accuse d’être des espions chinois et d’avoir organisé la révolte à Battambang. Khieu Samphan considère cette rébellion comme une victoire alors même qu’ils n’en sont pas les instigateurs. Les trois cents morts causés par la répression de Lon Nol n’ont aucune importance pour Khieu Samphan ; seules comptent les victoires. Hou Youn et Khieu Samphan décident de rejoindre la guérilla et de faire courir la rumeur que Sihanouk les a assassinés.

Khieu Samphan  ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
Khieu Samphan ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Scène IV : Saïgon

Le conseiller Kissinger et le général Abrams discutent de la situation militaire au Cambodge. Abrams annonce son intention de bombarder la frontière nord-est cambodgienne, pour ainsi éliminer les foyers de résistance nord-vietnamiens. Sihanouk peut bien vouloir rester neutre, mais selon le général Abrams, il devra faire le choix entre « la neutralité pro-communiste et la neutralité pro-américaine ».
Kissinger demande l’avis de Melvin Laird, secrétaire de la Défense, qui revient du Cambodge. Laird l’informe que Sihanouk est prêt à reprendre les relations diplomatiques avec les États-Unis, à condition que les Américains reconnaissent l’inviolabilité des frontières de son pays. Laird conseille à Kissinger d’accepter, ne jugeant pas sérieuse la menace communiste au Cambodge. Il estime que l’infiltration vietnamienne est faible.
Kissinger décide néanmoins d’autoriser Abrams à bombarder la zone frontalière, contre l’opinion de Laird et contre le Congrès, qu’il n’informera pas de son choix. Melvin Laird exprime son amertume et sa solitude.

Scène V : Phnom Penh

Penn Nouth est malade. La Reine Kossomak lui reproche son état de santé à un moment si difficile pour le pays. Sihanouk revient d’une expédition à la frontière avec le Vietnam. Il raconte qu’il y a vu des villes désertes arborant le portrait de Ho Chi Minh.
Sihanouk nomme Lon Nol comme nouveau Premier ministre. Penn Nouth conseille à Sihanouk de rester vigilant et de ne pas se précipiter pour ne pas perdre le soutien du peuple.
Sirik Matak annonce la mort de Ho Chi Minh. Sihanouk décide d’assister aux funérailles à Hanoï malgré la désapprobation du peuple. Sirik Matak désaprouve la décision prise par son cousin, mais il se réjouit d’avoir enfin le champ libre pour provoquer sa perte.

ENTRACTE

Acte III

Scène I : Ambassade du Cambodge à Paris

Sihanouk se sent « fatigué, solitaire et totalement découragé ». Malgré sa maladie, Penn Nouth vient lui faire part de la situation du Cambodge : sous le prétexte de la mauvaise santé de Penn Nouth, Lon Nol a nommé Sirik Matak Premier ministre. Le coup d’état est imminent. Sihanouk n’est pas extrêmement inquiet de la situation, car le coup d’état ne peut aboutir qu’avec le soutien des forces armées et de Lon Nol. Sihanouk est sûr que le général Lon Nol ne le trahira pas. Par ailleurs, il juge que le véritable danger réside dans l’avancée des troupes vietnamiennes toujours plus loin dans le territoire cambodgien, poussées par les bombardements américains. Sihanouk décide de se rendre à Moscou et à Pékin dans l’intention d’obtenir une intervention qui stopperait cette invasion. Pour donner plus de poids à ses arguments, Sihanouk demande à Lon Nol d’organiser des manifestations populaires antivietnamiennes à Phnom Penh. L’ambassadeur du Cambodge à Paris manifeste son incompréhension face à ce choix politique du Prince.

Scène II : Phnom Penh

Lon Nol consulte les oracles, sans comprendre leurs réponses. Sirik Matak vient exprimer sa désapprobation au sujet du voyage de Sihanouk à Moscou et à Pékin. Il presse Lon Nol de ne pas gâcher cette occasion de mener à bien le coup d’état tant espéré. Lon Nol promet d’y réfléchir : « Mais pour les manifestations antivietnamiennes, c’est comme si c’était fait. »

Lon Nol  ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
Lon Nol ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Scène III : Phnom Penh, Palais royal

Avec l’aide d’une servante, Khieu Samnol et son amie vietnamienne Madame Lamné trouvent refuge sur une terrasse du Palais royal pour échapper aux émeutes antivietnamiennes qui secouent la ville.
La Reine Kossomak et Mom Savay, une ancienne danseuse royale, reçoivent le fonctionnaire américain Hawkins, qui tente de convaincre la Reine d’empêcher le retour de son fils, car ce serait tomber dans le piège des provocateurs. Mom Savay manifeste son désaccord ; elle veut que le Prince revienne. Les deux femmes du peuple cachées jusque là sont découvertes et disent leur terreur à la Reine. Khieu Samnol demande à la Reine de faire revenir son fils.

Scène IV : Ambassade du Cambodge à Paris

L’ambassadeur du Cambodge à Paris annonce à Sihanouk l’arrivée d’un message de sa mère qui décrit l’ampleur du désordre régnant dans le pays. Indigné, Sihanouk décide de renoncer à son voyage et de rentrer à Phnom Penh.
L’ambassadeur lui délivre un autre message qui contredit le premier. Penn Nouth est rassuré, et Sihanouk, ayant retrouvé son calme, décide de partir pour Moscou. La Princesse Monique, la femme de Sihanouk, se dit inquiète de ce voyage.

Acte IV

Scène I : Saïgon

Kissinger ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
Kissinger ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Kissinger informe Abrams que Nixon lui a donné carte blanche pour bombarder le territoire cambodgien. Laird s’oppose à cette décision. Kissinger insiste ; il entend en finir une fois pour toutes avec la guerre au Vietnam.

Scène II : Moscou

Sihanouk n’obtient des Soviétiques qu’une vague promesse d’aide militaire dans six ou huit mois. Sihanouk pense à son pays. Alors qu’il est sur le point de quitter Moscou, Kossyguine lui annonce sa destitution. Sihanouk reproche son silence à Chea San, l’ambassadeur du Cambodge à Moscou, alors que depuis le début il était au courant de la situation.

Scène III : Palais royal

La Reine Kossomak s’en veut de ne pas avoir incité son fils à revenir. Un messager de Lon Nol demande à la Reine de pardonner les auteurs du coup d’état. La Reine refuse, et fait répondre à Lon Nol par une prédiction : Sirik Matak et lui se disputeront le pouvoir, et ses jambes ne lui obéiront plus.

Kossomak   ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
Kossomak ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Scène IV : En avion, au-dessus de l’Asie, entre Moscou et Pékin

Sihanouk se languit de son pays. Il parvient à oublier ses soucis dans un moment d’intimité avec la princesse Monique.

Acte V

Scène I : Aéroport de Pékin

Zhou Enlai attend Sihanouk. L’ambassadeur du Cambodge à Pékin lui communique officiellement la destitution du Prince. Zhou Enlai demande à Liu Kiang de se rendre au Cambodge pour s’assurer que les accords établis au temps de Sihanouk resteront en vigueur sous l’autorité de Lon Nol. Zhou Enlai reproche à Sihanouk de ne pas avoir demandé l’aide de la Chine dès le début.
Sihanouk sort de son entrevue avec Zhou Enlai. Doutant de la fidélité de la Chine, il se dispose à se retirer et s’exiler en France. Penn Nouth lui rapporte de mauvaises nouvelles du Cambodge : tous les ambassadeurs se sont ralliés à Lon Nol à l’exception de Chea San à Moscou, et une campagne nationale calomnieuse dénigre Sihanouk et sa famille. Atteint dans son honneur, Sihanouk décide de se battre et il accepte la proposition de Zhou Enlai de faire alliance avec les nord-vietnamiens.
Un télégramme apporté par le capitaine Ong Meang annonce le soutien inconditionnel des Khmers rouges à Sihanouk. Avec l’appui de ses anciens ennemis, Sihanouk affronte son nouveau destin. Il interroge le ciel : « Reviendrai-je moi aussi sous mon toit ? ».
Penn Nouth demande à Manac’h d’intervenir en leur faveur auprès des gouvernements de la France et des États-Unis pour obtenir l’aide de l’Occident . Et enfin, il exhorte les esprits à veiller sur le Cambodge.

FIN DE LA PREMIÈRE ÉPOQUE


Deuxième Époque

Acte I

Scène I : Devant le sanctuaire

Suramarit, le roi défunt, raconte les malheurs du Cambodge et de son peuple. Khieu Samnol et Madame Lamné entrent avec un vélo dont les pneus se dégonflent sans arrêt. Elles pensent le vendre à un Chinois. Khieu Samnol révèle à son amie la « formule » pour convoquer les esprits des morts : aussitôt Suramarit apparaît et leur demande de lui prêter leur vélo pour qu’il puisse aller à Pékin voir son fils.

Scène II : Pékin

Sihanouk fait le bilan de sa situation. Exilé à Pékin, il s’apprête à s’allier avec ses anciens ennemis, les Vietnamiens, contre le gouvernement de Lon Nol, qui a le soutien des Américains.
Pham Van Dong, Premier ministre du Nord-Vietnam, promet de respecter l’intégrité territoriale du Cambodge en échange d’une alliance. Penn Nouth se méfie de cette proposition.
Khieu Samphan et Hou Youn, que tous tenaient pour morts, viennent offrir leur soutien inconditionnel au Prince. Sihanouk décide de fonder immédiatement un Gouvernement royal d’union nationale.
Suramarit arrive à Pékin et reproche à son fils ses nouvelles alliances. Étienne Manac’h, l’ambassadeur de France à Pékin, informe Sihanouk que ni la France ni les États-Unis ne le soutiendront. Le Prince réalise alors qu’il n’a d’autre solution que la lutte armée. Il convoque ses nouveaux ministres Khmers rouges, mais ceux-ci sont déjà partis sans l’autorisation du Prince en prétendant que leur lutte devait se mener depuis l’intérieur du Cambodge et celle du “symbole Sihanouk” depuis Pékin. Sihanouk se sent totalement abandonné, mais ne perd pas espoir.

Acte II

Scène I : Phnom Penh

Khieu Samnol rentre chez elle avec un jeune rescapé des bombardements américains que le Roi Suramarit a confié à ses soins. Madame Lamné et elle le prennent pour fils adoptif et lui donnent le nom de Yukanthor.

Scène II : Phnom Penh

Sirik Matak et Chen Heng, président de l’Assemblée nationale, sont inquiets et déçus des défaites militaires de l’armée de Lon Nol. Lon Nol proclame sa décision de ne renoncer en aucun cas à sa charge et refuse la requête de Sirik Matak de libérer la Reine Kossomak pour qu’elle puisse quitter le pays.
Alors que tout le monde s’apprête à fêter la précieuse victoire de la bataille de Kompong Thon, le messager du colonel Um Savuth, qui revient du front, annonce qu’elle fut en fait un terrible désastre.
Sirik Matak demande la démission de Lon Nol. Lon Nol suspend l’Assemblée nationale. Sirik Matak démissionne. Une fois de plus, Lon Nol envoie une lettre au président Nixon.

Scène III : Pékin

Sihanouk et le capitaine Ong Meang font le bilan des trois dernières années passées en exil à Pékin. Le règne de Lon Nol perdure, grâce aux luttes internes entre les Khmers rouges et les Vietnamiens. Sihanouk sait que si Zhou Enlai venait à mourir, il se retrouverait sans plus aucun soutien. Penn Nouth apporte enfin une bonne nouvelle : le Prince et la Princesse ont obtenu l’autorisation de retourner au Cambodge pour quelques semaines.

La Princesse  ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
La Princesse ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Scène IV : Phnom Penh

Lon Nol ordonne à son Premier ministre Long Boret que « le dragon de la monarchie soit égorgé et vidé jusqu’à la dernière goutte de son sang » et que Sirik Matak soit arrêté.
John Gunther Dean, l’ambassadeur des États-Unis, reproche à Lon Nol sa nouvelle déroute et exige des explications sur l’état de corruption déplorable de son armée. Les officiers vendent aux Khmers rouges les armes livrées à titre d’aide par les Américains, et gardent pour eux les salaires de leurs soldats. Les forces armées de Lon Nol sont bien moins importantes qu’il n’essaie de le faire croire aux Américains.

Scène V : Dans les environs d’Angkor

Le très jeune âge des soldats Khmers rouges impressionne Sihanouk, qui s’inquiète de constater que leurs chefs les manipulent en utilisant son nom et son image.
Les chefs Khmers rouges élaborent un plan pour détruire l’ancien système jusque dans ses fondements. Khieu Samphan espère atteindre les portes de Phnom Penh en six semaines.

Acte III

Scène I : Phnom Penh

Une fois encore, Dean demande au sénateur américain McCloskey d’intervenir au Congrès en faveur du Cambodge pour que le pays ne soit pas abandonné à son sort. Dean rapporte à McCloskey le terrible massacre perpétré par les Khmers rouges dans la ville de Sarsar Sdam, et lui déclare que la révolution khmère rouge sera sanguinaire. McCloskey estime que la démission de Lon Nol serait une bonne chose pour le Cambodge. Tandis que l’on convoque Long Boret, McCloskey négocie la démission de Lon Nol par téléphone. Saukham Khoy, successeur de Lon Nol à la présidence de la République, se dit confiant que les Khmers rouges arrêteront leurs exactions une fois arrivés au pouvoir, puisqu’ils viennent d’annoncer qu’ils ne condamneront que les sept principaux responsables, parmi lesquels Long Boret.
Lon Nol accepte de partir aux États-Unis en échange d’un million de dollars. Keeley, secrétaire de l’Ambassadeur Dean, annonce la chute de Neak Luong. Les Khmers rouges sont aux portes de Phnom Penh.

Scène II : Pékin

Sihanouk sait que le premier arrivé à Phnom Penh règnera sur le Cambodge. Il est convaincu qu’il peut renverser la situation s’il arrive avant les Khmers rouges. Il demande donc l’aide des États-Unis par l’intermédiaire de Manac’h. Il doit agir discrètement à cause des microphones cachés par les Khmers rouges tout le long de la Grande Muraille de Chine.

Scène III : Rives du fleuve Mékong

Finalement, le rêve des Khmers rouges s’accomplit : ils prennent Phnom Penh et décident de vider la ville de ses deux millions et demi d’habitants. Hou Youn s’y oppose. Il ne comprend pas ses camarades : ils ont des parents, des amis à Phnom Penh, la propre mère de Khieu Samphan y vit : « Mais enfin, deux millions de personnes, dehors, sur les routes, en cette saison, avec tout le pays en ruine, de quoi vivront-elles ? » Hou Youn est censuré. Pol Pot décide de mettre à exécution son projet d’évacuer la ville et, la victoire atteinte, d’éliminer Hou Youn.

Scène IV : Pékin

L’envoyé spécial de Washington informe Penn Nouth que le président Ford et le conseiller Kissinger désirent que Sihanouk retourne au Cambodge. Sirik Matak lui-même est d’accord. Un secrétaire annonce que les Américains évacuent Phnom Penh, qui est sur le point de tomber aux mains des Khmers rouges.

 Marie-Ange Barbet, 2013.
Pol Pot © Marie-Ange Barbet, 2013.

Scène V : Phnom Penh, rives du Mékong

Le Prince Sirik Matak, Long Boret et Saukham Khoy constatent la victoire imminente des Khmers rouges. L’Ambassadeur Dean leur offre la possibilité de partir pour la Thaïlande dans les hélicoptères américains. Sirik Matak refuse : « Mourir dans le pays où l’on a vu le jour n’est pas mourir, c’est retrouver sa mère. » Long Boret s’y oppose également. Seul Saukham Khoy accepte.

Scène VI : Phnom Penh

Yukanthor, Khieu Samnol et Madame Lamné assistent à l’entrée victorieuse des Khmers rouges à Phnom Penh. Le peuple croit que Sihanouk aussi reviendra au Cambodge. Les haut-parleurs donnent l’ordre de quitter la ville immédiatement. Le spectre de Hou Youn décrit l’évacuation du peuple, et comment la mort dévaste le Cambodge en ce 17 avril 1975.

ENTRACTE

Acte IV

Scène I : Pékin

Zhou Enlai convoque Sihanouk. Le Prince ne supporte pas d’être un pantin entre les mains des Khmers rouges, et veut partir pour la Corée. Zhou Enlai tente de l’en dissuader et de le convaincre de retourner au Cambodge.
Ieng Sary et Ieng Thirit, chefs Khmers rouges, également convoqués, écoutent les conseils de Zhou Enlai : il est nécessaire que Sihanouk rentre au Cambodge pour y occuper sa place et pour que la révolution soit menée à bien avec délicatesse : « Les peuples devraient pousser vers le communisme comme les fleurs vers le soleil. »
Lorsqu’ils se retrouvent seuls, les deux Khmers rouges conviennent qu’une fois Zhou Enlai mort, ils pourront garder Sihanouk prisonnier au Cambodge et se servir de lui.

Scène II : La nuit, camp de Veal Vong

Khieu Samnol et Madame Lamné se désespèrent des innombrables morts qui surviennent chaque jour. Les rumeurs les plus contradictoires circulent sur le retour de Sihanouk et son probable emprisonnement. Les deux femmes convoquent la défunte reine Kossomak, qui apparaît pour les réconforter, accompagnée de Mom Savay, que les Khmers rouges ont assassinée.
La Reine imagine un stratagème pour que les femmes puissent se procurer de la nourriture, car il ne leur reste que cent dollars et l’argent n’est plus en vigueur au Cambodge. Ainsi font-elles croire à un Chinois, Monsieur Tchang, que les relations avec la Thaïlande ont été rétablies et que les dollars vont de nouveau circuler. Tchang leur offre vingt sacs de riz, qu’elles refusent. Il leur en offre quarante, et elles acceptent. Le plan de la Reine a été un succès. Le fantôme de Hou Youn erre à la recherche de son frère.

Scène III : Siem Reap

Khieu Samphan emmène Sihanouk, sa femme et Penn Nouth visiter les camps de travail et leur vante les mérites de la révolution khmère rouge. Yukanthor vient saluer Sihanouk, confiant de ce que la situation s’améliorera par sa présence. Conscient du danger que court Yukanthor, le Prince l’éloigne. Sihanouk veut démissionner, bouleversé et impuissant face au sort de ces milliers de travailleurs et au climat d’oppression qui règne sur son pays. Il veut révéler la vérité. La Princesse et Penn Nouth l’emmènent avec eux. Khieu Samphan menace de tuer la famille et les fidèles de Sihanouk si celui-ci démissionne.

 Penn Nouth ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
Penn Nouth ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Scène IV : Phnom Penh, Palais royal

Sihanouk a envoyé sa lettre de démission aux Khmers rouges. La princesse Monique est désespérée. Penn Nouth s’entretient avec Sihanouk et tente de le dissuader, car si Sihanouk démissionne il sera emprisonné. Sihanouk refuse. Penn Nouth lui avoue que pour protéger sa famille il a accepté de collaborer avec les Khmers rouges. Ils se séparent enfin, se promettant de communiquer « par étoiles ». Le capitaine Ong Meang réaffirme sa fidélité au Prince, malgré le danger que cela implique.

Acte V

Scène I : La nuit, camp de Veal Vong

Madame Lamné fait répéter ses leçons politiques à Khieu Samnol, qui ne lui prête pas attention. Elle est préoccupée par une musique qu’elle entend : ce sont les cloches de Bouddha, les défunts qui l’appellent. Khieu Samnol meurt en bénissant son amie et Yukanthor.

Madame Lamné ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
Madame Lamné ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Les cris de douleur de Madame Lamné attirent l’attention d’un kamaphibal, un garde Khmer rouge. Au moment où il tente de tuer Madame Lamné, apparaît le fantôme de Hou Youn qui l’en empêche. Yukanthor tue le kamaphibal.
Madame Lamné se lamente sur le sort du Vietnam et du Cambodge.

Scène II : Palais royal, Phnom Penh

La Reine raconte les trois années de désastres et de mort qui ont désolé le Cambodge : « Mais personne ne vient au Cambodge, pas un ami depuis mille jours. »
Sihanouk, prisonnier, envoie une lettre à Khieu Samphan dans laquelle il exige de voir sa famille.
Les Khmers rouges ordonnent à tout le personnel de quitter immédiatement le Palais. Sihanouk et la Princesse pensent leur fin imminente.
Suramarit retient son fils, qui envisage de se suicider, et l’informe que les Vietnamiens ont déclaré la guerre aux Khmers rouges. Sihanouk comprend que le régime de Pol Pot a livré son Cambodge au Vietnam. Khieu Samphan conduit Sihanouk auprès de Pol Pot.

Suramarit  ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.
Suramarit ⓒ Marie-Ange Barbet, 2013.

Scène III : De l’autre côté du Mékong

Le général Giap et le général Van Tien Dung discutent de leurs avancées militaires : finalement le Cambodge sera vietnamien et sous le commandement de l’ancien chef Khmer rouge Heng Samrin.

Scène IV : Rives du Mékong

Tandis qu’ils attendent Pol Pot, Sihanouk et la Princesse se réjouissent de revoir le Mékong. Penn Nouth arrive. Croyant que Sihanouk lui avait fait retourner sans les lire toutes ses lettres durant ces trois dernières années, il lui en fait le reproche. La Princesse l’assure que jamais Sihanouk n’a reçu ses lettres.
Devant l’avancée des troupes vietnamiennes, Pol Pot propose à Sihanouk de partir à Pékin avec la Princesse et Penn Nouth, et d’aller ensuite à l’ONU afin de montrer au monde l’injustice de l’invasion vietnamienne.
Sihanouk fait le bilan de sa vie : miraculeusement, il vit toujours ; il souhaite se retirer, écrire l’histoire de son pays, loin de l’Asie et de ses démons. Mais si son peuple a besoin de lui, son peuple le retrouvera.

Scène finale : Cambodge

Les morts font leurs derniers adieux à Madame Lamné et à Yukanthor, qui fuient en Thaïlande.
Les morts restent seuls, attendant le retour des êtres chers dispersés de par le monde.

FIN