The Music
The original music was created in 1985 by Jean-Jacques Lemêtre who interpretated it with Pierre Launay.
Interview of Jean-Jacques Lemêtre, composer and musician.
Extrait de l’entretien réalisé par Marie-Laure Basuyaux en septembre 2013.
dans le cadre du dossier pédagogique “Pièce (dé)montée” n° 70 consacré à L’Histoire terrible…
(© Sceren-CNDP-CRDP/académie de Paris, octobre 2013.)
Marie-Laure Basuyaux – Quels sont les principes qui ont guidé la construction de vos instruments ? Cherchiez-vous un son particulier, une esthétique précise ?
Jean-Jacques Lemêtre – La construction des instruments vient de la scène (comme la musique d’ailleurs) : c’est-à-dire des besoins que j’ai ou que j’avais pour accompagner les scènes ou les personnages. Évidemment chaque instrument construit a son histoire, j’ai notamment refait un instrument d’après les sculptures des temples d’Angkor Vat ; ce sont des instruments que même les Khmers ne connaissent plus du tout (par exemple une harpe). nous avons fait reconstruire les deux grands tambours (skor thom) que nous n’arrivions pas à trouver et nous leur avons multiplié la grandeur par quatre. D’autre part, ce qu’il manque très souvent dans ces musiques, ce sont les basses, puisqu’il n’y a pas vraiment de pensée harmonique. Nous avons donc fait des instruments à basses et contrebasses, par exemple les roneats (des xylophones en bambou). Nous avons construit un roneat thung (xylophone contrebasse). Nous avons recréé également un hautbois khmer que nous n’arrivions pas à trouver: le sralay, ainsi que des instruments à cordes: le chapey (grande guitare à deux cordes) et le takhé (cithare-crocodile), mais aussi une cithare monocorde: le kse diev ou sadev et un cercle de petits gongs: kong vong thom. Il y avait également ma recherche de sons pour toutes les scènes dans les camps ou pour les scènes en Chine. Pour les scènes de guerre, nous avons fait construire le percuphone (immense vièle à roue en aluminium avec des roues binaires, ternaires et quinténaires) qui nous donnait tous les sons de la guerre (B-52, bombes, mines, tirs d’artillerie, hélicoptères, armes automatiques, etc.).
M.-L. B. – Comment vous êtes-vous approprié l’instrumentarium traditionnel cambodgien ? Aviez-vous l’idée, avec ces instruments, de propulser le public dans un monde insolite ?
J.-J. L. – Je commence toujours mon travail par le retour aux sources, à l’essence de leur histoire musicale et autre. Or je me suis aperçu que quasiment toute la musique cambodgienne était à quatre temps. J’ai analysé sa structure afin d’en prendre l’essentiel. Dans le spectacle je n’avais que huit vrais instruments cambodgiens sur les 250 que nous avions en scène. D’abord parce que les Khmers rouges avaient tout détruit, c’était donc très difficile à l’époque d’en trouver. Ensuite parce que, comme je travaille sur la transposition et sur le décalage, je n’avais pas envie d’avoir beaucoup d’instruments de ce pays, de façon à ne pas être réaliste ou traditionnel ou folklorique, c’est toujours le danger. La musique était “destinale”, donc poétique. Quasiment tous les Cambodgiens qui ont vu le spectacle pensaient que j’étais de la région et que j’étais spécialiste des musiques de ce pays, tout juste s’ils ne me parlaient pas en khmer! Quand nous inventons un instrument il est vrai qu’il y a une part de mystère, mais pas si grande que cela, donc nous avons quand même une réelle notion de ce que nous cherchons et voulons: le choix
des bois, le choix des cordes, l’accord général, et le souci esthétique de l’espace dans lequel nous allons jouer. Nous étions deux musiciens et avec nous une actrice qui jouait dans la première scène (juste l’introduction). Nous cherchons ce dont nous avons réellement besoin comme timbre, sans nous soucier des autres instruments. La forme n’intervient pas sur le son de l’instrument. Évidemment nous ne cherchons que la vérité et la justesse des scènes, donc la musique de ces scènes est sans arrière-pensée: l’imitation ne nous passionne pas vraiment, sauf pour les instruments qu’il était impossible de retrouver. L’esthétique insolite dont vous parlez n’est que votre sentiment. Au milieu de notre espace musical rien ne paraissait insolite mais au contraire normal et concret. L’instrumentarium n’avait rien de curieux, il n’était pas incongru pour le public qui, à l’entracte, venait voir les instruments de très près, et j’ai même entendu des gens dire devant moi qu’ils ne pouvaient pas me parler car je ne devais certainement pas comprendre le français, cela m’arrivait fréquemment. Il existe au monde 46 000 instruments de musique, actuellement, j’en ai 2800, je suis donc encore “minimaliste”! Les gens pensaient que c’étaient des instruments (pas des inventions) de l’Extrême-Orient qu’ils ne connaissaient pas, y compris les Cambodgiens. L’histoire était terrible, comme le disait le titre de la pièce, et ces personnes du pays étaient trop envahies par l’émotion pour se poser ce genre de questions.
M.-L. B. – Quelle était, pour la musique, la part d’improvisation au cours du spectacle ?
J.-J. L.–
La musique a été comme toujours improvisée au cours des répétitions, mais ensuite elle devient fixe car mon travail est de trouver “les charnières”, c’est-à-dire les changements dans le texte et dans le jeu: changement d’état, de lieu, d’émotions, de temps, d’espace, etc. Donc à chaque charnière il y avait un changement de timbre (d’instrument) et mon assistante me passait les instruments les une après les autres. Donc l’improvisation n’était que dans le nombre de notes que je jouais suivant la vitesse de jeu de chaque acteur qui est différente chaque jour.
(…)
The original instruments.
Descriptive index cards of the 101 instruments created for the show.
Caroline Lee, Jean-Jacques Lemêtre, Claude Forget, Pierre Launay and Selahattin Oter created the instruments for the show.
Some of them where also made by Marcel Ladurelle and Robert Hebrard, Stringed-instrument makers. The percuphone was built by Patrice Moullet.
“These instruments are made at his image: they are androgynous, mixed, pluriphoniques, they are centaurs, harps piano, cellos with horns, surviving drums of thousands of species of disappeared drums.”
Hélène Cixous, Pour Jean-Jacques Lemêtre in Le Cercle n°4, Automne 2010.
Rehearsal notes.
Annotations pour la musique de Sihanouk
Document de répétition, comprenant le texte du début du spectacle et des annotations pour la musique (1985).
A text by Béatrice Picon-Vallin about Jean-Jacques Lemêtre.
2011
Norng Chantha, Pho Bora,
Pring Sopheara, Vath Chenda, the cambodian musicians composed a new music for the re-creation of the play in khmer.
They used a song written by King Sihanouk, who was also a composer, called “Phnom Penh”.